Articles

Garnier vs Bastille

L’Opéra Garnier vomit de l’or, des miroirs, du decorum. L’on y vient pour jouer un rôle, se filmer dans un conte de fée; faire les beaux.  L’Opéra Bastille n’a pas repris cette vocation secondaire de la maison d’opéra. Les couloirs ressemblent à des halls de gare; personne n’a envie de se déguiser pour déambuler le long des quais. On observe la ville depuis de grande baies vitrées, on paie son sandwich aussi cher qu’il se peut dans un bar d’opéra, mais on est habillé comme pour aller travailler. À Bastille, on ne vient pas se montrer, on vient assister à des spectacles qui vendent du rêve. La qualité est toujours au rendez-vous. Cette scène est une référence mondiale, n’est-ce pas? Les plus grands artistes prennent leur rôle et la planète aura son avis. La mise en scène fait parler d’elle, les costumes et les décors font rêver, la musique est interprétée de la meilleure des façons. Les sièges sont confortables, la vue complète. Je ne sais pas qui vient à l’Opéra Bastille, mais il f...

La Pythie, la vraie.

J'entre dans le Palais Garnier. Trois ans que j'attendais ça. Il a fallu le bon jour, le bon horaire, le temps. On n'entre pas n'importe quand à l'Opéra Garnier. Le plus simple serait d'avoir un billet pour un ballet, mais ça aussi, c'est difficile à obtenir au bon moment. Comme tous les curieux, je visite le Palais Garnier en payant mon entrée pour voir uniquement le décorum du spectacle.  Je viens la voir, elle. Elle est là, à l'entrée, c'est elle qui accueille tous les visiteurs. Elle est effrayée, elle est splendide! Tout le monde s'arrête pour la photographier. Marcello a réussi un coup de maître ... ou de maîtresse plutôt. La véritable Pythie est plus grande que je ne me l'étais imaginé; plus tourmentée aussi. Je pensais que c'était le coeur humain qui l'apeurait; mais aujourd'hui, c'est ce spectacle de la vanité qui se joue sous ses yeux.  Le lieu est monumental comme une église plus que baroque. L'or, les mosaïques...

La boîte de crayons (inspiré de "La Disparition" de G. Perec, atelier d'écriture du 22 novembre 2025 au musée d'Estavayer-le-Lac)

Des crayons pointus, des crayons rabougris, des mines perdues, des petits, des grands, tous réunis dans une boîte abandonnée. Cette antiquité était disposée derrière une vitrine du musée comme unique vestige d'un temps disparu. On demandait: "A quoi ça servait? Ecrire, c'est quoi? Dessiner, c'est quoi? ça se tenait comment? ça faisait quoi? Créer? Soi-même?" On passait ; on s'interrogeait ; on ne comprenait pas ; on repartait en saisissant qu'on avait perdu un monde qui paraissait bien différent. Un temps où penser, imaginer, rêver était courant ; où un individu était un humain à part entière.  P.S.: Il manque la lettre "l" dans ce texte, ce qui ne permet pas d'utiliser les articles définis (le, la, les), les pronoms personnels (il, elle), ni beaucoup de mots comme "liberté", "lire", "lien", "lettre"...

Gioachino, Sergei ou Richard

 -Tu reconnaîtras « Taratam, taratam taratam tam tam tam, taratam tam tam tam tam. » L’ouverture de Guillaume Tell. Rossini fait défiler des paysages helvétiques à nos oreilles enchantées. On rend visite aux Waldstätten et on se sent bien dans leurs contrées. L’orage, la paix, la course; les montagnes, le lac. Rossini connaît le genre humain, ses peurs, ses joies ; il a tout compris au point de faire aimer leur Suisse aux citoyens bougons ou boudeurs de la réussite helvétique. Rachmaninov nous emmène ailleurs, inspiré d’un italien (quand même); il tire les sentiments jusqu’à la rupture. La nostalgie slave se mêle au rêve américain. Tout demeure plein, parfois spectaculaire, parfois délicat. Enfin Richard Strauss rend hommage à toute l’inventivité de la musique occidentale jusqu’à confondre l’auditeur du XXIe siècle: c’est de la musique de film, non? Eh non! Mais la musique de film est de la grande musique classique. Une fois n’est pas coutume: la société des concerts a ravi son pu...

Une leçon de démocratie

- Ecoutez les enfants,  c'est très important ce qu'ils disent dans cette émission radio : aux Etats-Unis, ce pays qui se dit "le pays des libertés", notamment de la liberté d'expression, le gouvernement interdit certains livres, même des livres pour enfants !  - Mais pourquoi?  - Ils ont peur que les gens pensent qu'ils ont le droit d'être différents. - Mais nous sommes tous différents ! C'est vraiment très bête. - C'est aussi pour effacer l'histoire. - Comment ça? - On interdit de raconter certains pans de l'histoire pour mieux manipuler la population. Dire qu'on est les meilleurs. Si de génération en génération, on oublie l'histoire, elle disparaît. Alors, les gens qui ont du pouvoir peuvent manipuler la population en lui faisant croire ce qu'ils veulent. -Ça sert à quoi le pouvoir ? -A avoir un grand pays. -Et à décider pour les autres. -Mais ce n'est pas une personne qui doit décider pour un pays, c'est toute la popu...