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Une rafale, des racines (inspiré de l'exposition des photos d'Alan Humerose au musée d'Estavayer-le-Lac)

On sentait le pétrichor avant même qu'il ne pleuve. Les animaux avaient perçu le tremblement de la Terre bien avant les hommes. Ils connaissaient le danger qui se préparait. Agités d'abord, ils avaient couru partout puis avaient disparu dans des abris inconnus. La clairière était déserte. Les feuilles des arbres ont commencé à frémir. J'ai compris. Rien n'avait été annoncé. J'ai regardé le ciel: il était noir et épais. J'ai écouté mon intuition: "N'y va pas." J'y suis allée ; avec un parapluie.  Je suis maintenant au coeur de la forêt. Mon parapluie ne me servira à rien. Un souffle s'élève de la forêt; une vague destructrice soulève la poussière et les feuilles mortes. Une rafale retentissante comme trois avions de chasse qui passeraient le mur du son paralyse mon tympan. La violence de ce vent venu d'ailleurs me projette au sol. Mon nez touche l'humus. Une odeur de moisi s'infiltre dans mes sinus. Il n'y a personne, seuls l...

Le walkman

    « Elle s’installe près de la fenêtre, sort son journal et son walkman. » Cette phrase d’un roman de 2023 me plonge dans cette interrogation qui me taraudait l’autre jour : Pourquoi n’a-t-on pas de peine aujourd’hui à accepter les écouteurs et autres casques bien voyants alors qu’à l’apparition du walkman, dans les années 80, l’engin était si mal vu ?  Sortir son walkman, poser ostensiblement le casque aux mousses qui s’effritent sur ses oreilles, qu’on en a un, choisir sa cassette, peser sur les boutons, revenir en arrière pour entendre encore une fois la piste 4, accrocher l’objet à sa ceinture, marcher librement tout en écoutant de la musique, dodeliner de la tête, être dans son monde aux yeux de tous, ne pas les entendre et les envoyer paître indirectement, par indifférence.  Interdit en société ! C’est malhonnête, individualiste, peu respectueux de l’entourage ! Cache-moi ça et sors-le seulement quand personne n’essaie de te parl...

La vie contre l'amour / Ptah ou Isis.

"Immense Ptah, dieu créateur, animateur de l'esprit du monde, nous t'invoquons." La grande prêtresse invoque le dieu mystérieux de l'Egypte sacrée. Le choeur reprend, la mélodie rythmera l'opéra comme un flux de vie, ce cycle qui ne finit pas. Une main, la vie, le destin ou la force divine s'ouvre et se ferme sur les chanteurs. La scène est énorme. Des figurants, des choeurs, des danseurs, des enfants, des solistes se meuvent en un ballet calculé qui fascine les 20000 spectateurs dans la moiteur d'une soirée d'août aux arènes de Vérone. L'orchestre raconte l'histoire, la musique résonne entre les pierres antiques. Les costumes réfléchissent la lumière qui sort de la main et transperce le ciel. Tout est pensé pour envoûter les spectateurs.  On connaît les airs mais l'on n'avait pas compris l'ampleur du drame. Radamès ne répond pas. Radamès ne se vend pas. Il choisit la mort pour l'amour et refuse la vie de l'ordre cosmiqu...

Les colonies marines

- Qu'est-ce que c'est cette tour au loin? - C'est la colonie de la Fiat. - Une colonie pour les enfants ? - Oui, pour les enfants des employés de la Fiat. Elle a été construite dans les années 30. En 90 jours, elle est sortie de terre! Des ouvriers y travaillaient jour et nuit. C'est un monument. - Mais aujourd'hui, elle est toujours utilisée ? - Oui, c'est un hôtel, tu peux aller voir sur internet. C'est la seule qui est encore en fonction. Fiat, une usine pharmaceutique, le parti fasciste de Turin, l'entreprise Olivetti... des enfants placés l'été au bord de la mer dans des bâtiments désormais abandonnés. Les grandes entreprises avaient toutes investi la côte de ce village du Nord de la Toscane. Les colonies marines, ces structures qui offraient aux enfants des ouvriers leurs premières vacances à la mer pendant que leurs parents travaillaient. Une idée soutenue par le parti fasciste certainement contre quelques cadeaux fiscaux ... On imagine des Ba...

1er soir de vacances

La rumeur de la rue se mêle à un tango-synthétiseur. 9 heures de route. Après un aperitivo festif et un souper bien garni, la petite famille se glisse entre les draps. Chaque année, on y revient en pensant que c’est la dernière… eh puis, on rit aux éclats, plus fort que les autochtones, les mêmes rengaines, les mêmes joies qui viennent du fond du cœur, ces soirées valent tellement ces heures de route que l’on revient .. toujours pour une dernière année. On croise les mêmes gens, on se demande s’ils seront là ; on se souvient de ceux qui ne viennent plus. La larme à l’œil, on y retourne parce que c’est ça la vie, parce qu’il le faut. Merci Igea Marina, la petite station balnéaire que l’on ne peut aimer que si l’on y est un habitué…