Articles

Affichage des articles du mars, 2021

Tachypsychique

Je vais en commissions. A vélo ou en bus? J’ai la flemme, et puis non, il fait beau. Combien de personnes pour l’apéro? Tu viens? Pourquoi tu viens pas? Renvoyé? Pourquoi? C’est la deuxième fois que vous me faites le coup ! J’irai le chercher plus tôt. Va déjà sur la terrasse. Pourvu que je ne déraille pas . Ce sera le 12. Désolée, on remet tout ça. Mais on peut quand même le voir. Enfin, on avisera. Le 12, c’est pas plus mal. L’attente est insupportable. Nom d’une pipe, j’ai les gènes ou pas? Et merde, j’ai oublié les tomates cerises. 

La boule magique

 « Tiens, je l’ai choisie pour toi, tu n’en avais pas. » « Oh merci! Elle est belle! » Deux enfants assis côte à côte dans un bus de campagne.  L’un a subi un traitement de racine à six ans sans broncher, l’autre l’a assisté patiemment. C’était sa quatrième fois chez le dentiste. Le petit courageux a eu droit à un cadeau. Installé dans le bus, voilà qu’il sort le petit présent de sa poche pour l’offrir à sa sœur ravie: une boule magique rose et blanche. Tant d’humanité pour un si jeune âge valait le coup d’être relaté. Un cadeau de dentiste, dérisoire, qui se met à porter toute l’empathie du genre humain.

"Le cercle des poètes disparus"

 Ils sont cinq ou dix, ça dépend de la pandémie. Ils sont ces jeunes étudiants réunis autour des mots, la grotte et la bougie en moins. Ils ne sont pas si jeunes, ce sont leurs plumes qui le sont. Ils jouent avec les mots, les émotions, l'encre et le vécu. Ils trempent leur âme dans leurs tripes. Ils écrivent des histoires sans y croire. Ils sont gais dans la vie, graves dans leurs écrits. Ils boivent et rient, s'émeuvent et transpirent. Hier, il voulaient, aujourd'hui, ils peuvent salir du papier imbibé de leur vie.

Aphorisme

 Non!

Génétique transgénérationnelle

Au cœur de l’attente, dans le ventre du pourquoi, en quête d’histoire(s) et d’identité, un pédopsychiatre me donne une clé: comment faire usage de son patrimoine génétique ? Que peut-on oublier, que peut-on exploiter? L’émission « Faut pas croire » de la rts aborde des sujets spirituels de société. Après une interview très intéressante sur la colère, voilà qu’on traite de mon sujet de prédilection du moment: l’héritage génétique. Après tout, pourquoi cette quête du passé familial? Que recherché-je? Je cherche, dans le miroir de mon arbre généalogique, le reflet de mes imperfections et de mes ressources. Par ce qu’ « ils » ont vécu, je reconnais mes craintes et mes forces. Tout est inscrit; alors qu’en faire?

Alignement de planètes

Vendredi tout rentre dans l'ordre. Un examen "négatif", qui est en fait une réponse positive. Et un téléphone porteur d'espoir. Le crustacé dort, il n'y a rien à signaler. Il faudra désormais s'habituer aux sursauts de l'héritage génétique: l'orage tous les quatre mois puis l'accalmie ordonnée par les scientifiques ou le déni. Le bonheur, la peur, le bonheur, la peur, etc. Une routine à dompter.

Un tango à Palerme

 23h, sur la place Del Teatro communale, été 2013, Palerme. Un orchestre fait vibrer un tango. Les futurs mariés s'élancent, timides, puis on s'écarte, on les observe. D'autres s'essaient à la danse argentine. Et c'est un moment suspendu dans le temps.  Souvenir d'un début de siècle insouciant, où l'Italie se visitait et offrait tous ses rêves et ses merveilles aux touristes et à ses habitants. La Sicile est jalouse. Elle ne se laisse pas devenir la proie des hordes de visiteurs. Elle garde ses coins de paradis pour les amoureux de son terroir, de son histoire et de sa nature. Toutes les cultures sont réunies sur ses terres. Les soirs d'été italiens n'ont pas d'égal. Ils sont doux, chaleureux, nostalgiques. On y croit et c'est juste; au risque de paraître niais. En Italie, on est entier, on choisit son camp, on est fasciste ou communiste.  Aujourd'hui, sur la péninsule ou ailleurs, tout le monde est dans même camp. Celui de l'incompré

Suspension

 Ma vie en suspension, une longue cicatrice sur le dos, une plus petite à côté, une douleur dans le sein. Ça ne présage rien de bon. Il faut être croyant ou optimiste pour pouvoir dormir là-dessus. Des frissons, une angoisse comme une nausée. Je suis à côté de moi. Ma tête tourne, je ne suis capable de rien. J’appuie sur play et j’attends que ça passe. Plus que deux jours .

2e round

Contrôle de routine quatre mois après l’ablation du crustacé sournois. Suspicion d’un petit frère. L’hérédité ne dit rien mais laisse planer l’idée de gènes mutants. Encore une semaine pour savoir si le petit frère est dangereux, encore un mois pour les résultats génétiques. L’attente est déstabilisante. Ça tend. On soupçonne tout. On ne veut plus rien sinon savoir. Dans l’expectative, il faut apprendre à faire comme s’il n’y avait pas de noeud, pas de crabe, pas de nébulosité. On saura bien assez tôt. 

Eurydice

Elle épouse Orphée, elle est Eurydice. Il y a la morsure. La descente aux enfers. Attirée par les limbes, elle se morfond. Tout est pesant, rien n’est possible. Désespoir et incompréhension. Cette plongée dans les abîmes intérieurs, elle la connaît depuis sa jeunesse, quand ne sachant pourquoi, sans raison particulière, elle était attirée vers les gouffres de l’anéantissement. Aujourd’hui, parfois, elle y retourne sans le vouloir et Orphée ne parvient pas à l’en sortir car même l’art n’y peut rien. Elle revient toujours, car elle a deux visages. Celui d´en bas et celui d’en haut; la dépression ou l’euphorie.

Analyses

"Bonjour Madame." "Bonjour Madame. C'est pour la fertilité ou le cancer?" "On pourrait croire que c'est pour la fertilité vu mon âge, mais non, c'est pour le cancer." Poireauter vingt minutes dans un petit laboratoire d'un hôpital de campagne, en attendant que l'on trouve son dossier. En espérant que l'on ne doive pas revenir. Pourquoi place-t-on le service d'oncologie au coeur de la campagne fribourgeoise? Pour le paysage? Afin que les patients voient leurs peines adoucies? Et pourtant, tout rappelle la complexité des grands hôpitaux, rien de simplifié, on fait toujours faux: non, il faut aller aux urgences, suivre la ligne bleue prendre l'ascenseur B et suivre la ligne rouge. On attend sur le fauteuil des prises de sang. L'infirmière trouve finalement le dossier. Il faut envoyer le sang aux HUG. Piquer. Flacon d'un rouge intense. Quelques paroles réconfortantes. Et on sort par la petite porte: les dés sont jetés.