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Affichage des articles du avril, 2022

La fabrique

On faisait toutes sortes de jobs pour payer notre loyer ou notre abonnement de train. Parfois, c’était à l’usine qu’on se retrouvait, où l’on voyait passer les tubes de mayonnaise ou des crèmes brûlées dans des pots en verre bouillants. C’était surtout la vraie vie que l’on découvrait. Les horaires irréguliers qui ne permettaient pas d’avoir de loisirs, des horaires de nuit ou de jour sans limite de temps. Un bruit constant dans les oreilles ; des odeurs laiteuses et écœurantes. Les ouvriers entraient avant le petit matin et sortaient au hasard des caprices d’une machine.      

Il faudrait bâtir au centre de chaque ville…

 …cette salle villageoise en bois, qui accueillerait les fêtes, le théâtre et les lotos. Trois représentations annuelles. C’était la dernière. Chaque villageois tenait la porte à son congénère, laissant entrer le vent froid de janvier. Le poêle brûlait et surchauffait la salle, comble pour l’occasion. On a ri ce soir-là; on a applaudi; on a parlé avec de grosses voix grasses et caverneuses.  A l’issue de la représentation, on a servi le blanc et rallumé les lumières. Chacun avait vécu sa catharsis à son échelle, à sa manière.  Alphonse s’est mis au piano et a entamé les valses d’antan. Ça résonnait comme dans un saloon. Les soûlons chantaient, les enfants se cachaient sous les tables et les jeunes, dissimulés dans la pénombre, adossés à la salle de bois, goûtaient à leur première cigarette.

Mon Piaggio

Reçu à mes 15 ans. Il était beau comm un Italien, rouillé comme une vieille carlingue; sa selle confortable rappelait les Vespas, symboles d'évasion et de liberté, d'amour et d'indifférence. Au coeur de la campagne froide des matins d'avril, son moteur capricieux décidait de s'éteindre sans crier gare. Alors, il fallait pousser l'engin jusque chez Zanone. Le garagiste des vélos me changeait ce satané moteur pour la troisième fois. Il n'en faisait qu'à sa tête mon Piaggio. Mais il m'emmenait fière, à 20 km/h sur les chemins de remaniement, un vent de liberté dans les mèches qui dépassaient du casque.