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Affichage des articles du janvier, 2020

Ses paluches dessinent des cercles

Il prend un verre pour faire un cercle parfait, un pot de yogurt pour en créer un second plus petit. Ses mains épaisses ont saisi le crayon blanc pour faire apparaître sur la feuille rouge une petite poule rondouillette qui picore son grain, insouciante et rigolote. L'arrière-grand-père de 85 ans dessine une poule et ses poussins pour son arrière-petit-fils. Ce dernier recopie son maître d'un jour et brandit, tout fier, son oeuvre aboutie. Le grand-père rit de voir son petit-fils si appliqué et veille à ce qu'il trace lui aussi des cercles parfaits. Quoi de plus touchant que cette petite scène d'un dimanche après-midi?

Un jardin en hiver

J'aime les jardins en hiver. On y perçoit l'abandon d'un jardinier éreinté qui repose son dos avant la belle saison. La terre est pratiquement à nue, toujours humide et froide. L'herbe y a encore poussé quelques semaines auparavant, mais elle semble maintenant trop longue et jaunie. Des vestiges de courgettes ou de plants de tomates jonchent le sol. Mais c'est la mousse qui interpelle: comment une matière aussi douce peut-elle prendre possession d'un domaine aussi stérile? On s'y enfonce comme dans une moquette trop épaisse, on aimerait la toucher, s'y coucher mais non, on est en hiver et c'est le dégoût qui nous prendrait à la gorge à son contact tendre mais pénétrant et glaçant. ça sent l'humus et la forêt, la boue voire le purin. Non, on ne se laissera pas aller à de telles mièvreries! Laissons dormir la nature sans l'importuner et le gel accomplir son oeuvre.

Défaire le sapin

On a fêté « le petit Noël » un 11 janvier. Les fèves ont été mâchées et collectionnées, les enfants couronnés. Il est temps de défaire le sapin synthétique. J'engage les lutins pour m'aider. Ils cueillent les boules sans entrain, bien plus intéressés à sortir jouer avec leurs copains. La période bénie des lumières de 16h à 8h est terminée. Il nous reste à attendre la neige et espérer que les soldes nous fassent oublier la nostalgie de passage dans nos salons et nos esprits. Les lundis se succèdent au rythme lent des mois d'hiver. Nos manteaux ne servent à rien, ni nos bottes, ni nos gants. Autant camoufler un zèbre sur un piano.

Invitée à la rédaction

ça sent l'encre ou le nouveau catalogue. Il n'y a pas de sonnette, on entre comme si on revenait chez soi. Trois personnes travaillent à la rédaction. On m'accueille et on me tend un tabouret de bois qu'on abèque dans l'embrasure de la porte, faute d'espace. La rédactrice a lu ma nouvelle. Elle est intéressée. Des affiches jaunies décorent les parois de cette institution staviacoise. La jeune graphiste garde son bonnet. Elle connaît ma soeur. La rédactrice reprend: "On va créer une nouvelle rubrique pour votre nouvelle." "Quoi? Pour moi?" "Ben oui." Et puis, elle prend des nouvelles de la famille. Alors je lui dis que c'est inspiré d'une histoire vraie. Elle apprécie davantage cette nouvelle du cru. On mettra une photo de la Grappe à la fin.

Premier texte de l’année

2020. Il fait trop chaud. Tout le monde se rue à plus de 1500 mètres d’altitude pour toucher la neige. Les oiseaux de mauvais augure en profitent pour culpabiliser un peu plus le genre humain qui pourtant, trie ses déchets ! On serre les fesses, on scrute l’horizon, on monte aussi en altitude pour toucher la vieille neige râpée, on apprend à nos enfants à faire du ski alors même qu’ils ne verront peut-être plus la neige d’ici 20 ans. On oublie que l’Europe est en paix depuis 65 ans et que le niveau de vie n’a jamais été aussi élevé. On oublie que l’humanité évolue, la preuve par ses diverses prises de conscience. Mais on oublie aussi que la 3e guerre mondiale a peut-être déjà commencé il y a bientôt dix ans, tout près du bassin méditerranéen. Ce siècle est porteur d’espoir mais nul n’ose l’avouer. Comment miser sur un destin frêle et méfiant?