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Affichage des articles du décembre, 2022

Pour faire plaisir aux grands-mamans

Jouer « le fantôme de l’opéra » ou « la toccata et fugue » en sortant le plein-jeu, en tirant même la trompette pour le côté clinquant, histoire de dépoussiérer l’orgue et faire sursauter les grands-mamans sur leurs bancs de messe. Voir par le rétroviseur, leur petit sourire complice ou cette surprise d’avoir entendu du profane à l’église; ce soupir d’aise parce qu’on a prié, on a accompli le rituel mais en sus, il y avait la petite organiste, la fille de l’instit. qui a osé juste pour leur faire plaisir. Dans le Républicain, c’est aussi pour elles qu’elle a rempli quelques cases de ses histoires d’antan. Au vernissage, elles étaient là, timides mais l’œil heureux.  Pour vous mesdames, merci de m’avoir écoutée. En me réjouissant, un jour, d’être l’une des vôtres.

La valse numéro 2

Sur le générique de « Spécial cinéma », on compte nos pas: 1-2-3; il est 21h un jeudi soir dans le salon immense. Chostakovitch est le guide de notre rêve de 4 minutes. Madame penche la tête à gauche , lève le coude , ferme les yeux, c’est la cour du tsar, Anna Karénine ; monsieur fait danser Sophie Marceau dans Fanfan, le décor s’illumine, sa tourne ! On est soûl. Soûl du vin de Bordeaux dégusté juste avant, ivre de la frénésie instantanée, épris pour un temps d’un songe à trois temps. 

Vissi d’arte

3e fois. C’est toujours plus fort, plus bouleversant. Mario y a encore cru, il a fait comme Tosca sur scène, même mieux… Tosca était crédule, comme à chaque fois. Et puis elle s’est jetée du château Saint-Ange.  A l’opéra de Zürich, un Eros en guise de Cariatide à gauche, le lustre dégoulinant à droite, debout pour mieux voir, depuis les chaises hautes de notre loge. La place était chère, même pour  la moitié de la scène en champ de vision. Mais cela valait tellement la peine pour de tels artistes, un tel orchestre! Scarpia terrorisait, Mario faisait jaillir les larmes, Tosca, si humaine, si tragique. La troisième fois et c'était encore plus vibrant que d'habitude. A la fin, c’est l’opéra tout entier qui s’est levé pour les artistes. C’étaient des "bravo", des "brava" a n’en plus finir. Jonas grisonnant, un peu trop pour un Mario fringant et pourtant, tant de finesse, tant d’émotions, quel acteur! Dans le couloir, je me suis cachée derrière une colonne pour

La maman

« La maman, elle habite plus haut » «  La maman, elle travaille dans une autre ville. » « Elles sont chez leur maman. » Qui est cette maman qui ne se nomme que par son statut? Ce statut qui est le seul qui lui reste dans les vestiges d’une famille émiettée, où les filles ont chacune deux chambres, dans l’autre quartier et dans celui-ci. Un statut qui demeure dans le cœur du papa et qu’il exprime du bout des lèvres dans son appartement réaménagé en garçonnière. Un statut que l’on ne peut plus arracher car il restera à jamais scellé dans l’histoire d’une famille. Si Madame n’a plus de prénom dans la bouche de Monsieur quand il parle d’elle, c’est qu’elle se définit avant tout par cette origine du monde qui lui a valu l’épithète d’hystérique. A défaut d’être son avenir, la femme continue de hanter l’homme.

Écouter les bâtards.

Faire de la musique avec une force tellurique, mêler les influences, jouer du rock et du classique, casser les codes et même la prosodie, écouter une messe debout, applaudir entre le gloria et le credo, chuchoter un crucifixus parce que c’est une tragédie, crier un hosanna parce que la joie doit être de rage, accorder la guitare électrique au stradivarius, ne plus croire en rien sinon à cette vague qui fait la vie, prier pour que ça revienne comme une ritournelle. Charivari.

Autoportrait au radiateur, C. Bobin

 " Ce qui aide, c'est ce qui passe." ... parce que ça fait du bien de savoir "cela" derrière, vécu, relégué au souvenir. On préfère la nostalgie à la tension de l'irréel, du potentiel. On préfère l'indicatif au subjonctif, le chronologique au doute qu'induit l'avenir.  On dit merci à Christian Bobin, parce qu'il a su à travers ses livres saisir l'indicible infinitésimale substance de l'être. On lui est reconnaissant, parce qu'on avait seize ans et qu'il nous a appris la mort dans la vie. Les petites choses contiennent l'essence, c'est quasiment scientifique et pourtant si métaphysique.