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Affichage des articles du novembre, 2020

La fenêtre même pas borgne.

 Il roule sur la pâte à biscuit , Noël est dans l’air, les enfants s’occupent des emporte-pièce. Ce rouleau me rappelle celui de mamie, qui pendait à la fenêtre « même pas borgne » de la cuisine de grand-maman. Fuselé, foncé, usé et bien lisse, il prenait sa retraite le long d’une fenêtre qui donnait sur le couloir. A travers le vitrage simple, on pouvait apercevoir les visiteurs, montant l’escalier de molière en s’aidant de la barrière en bois. Une fenêtre de cuisine qui donne sur le couloir, à quoi ça pouvait bien servir? Aux enfants, elle servait à guigner sans jamais avoir le droit de l’ouvrir, aux grands, elle empêchait de bien s’appuyer, à grand-maman, elle permettait de jeter un coup d’œil sur le corridor et ses passants; même si elle préférait guetter à l’autre fenêtre, qui donnait sur l’extérieur. De la rue montaient les salutations bruyantes de Milo, les motos pétaradantes, les touristes égarés ou les enfants rentrant de l’école. Elle se penchait au dehors pour croiser du bad

La stanza del figlio

 « Mia madre », « La stanza del figlio », Nanni Moretti extrait les larmes du plus profond de moi et je sanglote encore pendant le générique de fin. Une Italie quotidienne des gens comme tout le monde, une communication difficile, des regards de compréhension ou d’empathie, une humilité face à la condition humaine, un décor simple, des acteurs extraordinaires, une atmosphère pesante, des drames et cette peine qui ne sort jamais si ce n’est chez le spectateur. Nanni Moretti offre un éventail des émotions humaines et profondes alors que l’acteur lui-même semble en être exempt. On est bouleversé à l’issue des films de Moretti, comme si l’on avait retourné notre cœur. Et nos tripes. Est-ce là la catharsis tant souhaitée par les admirateurs de la tragédie grecque?

Le régional de la Broye.

Les barrières sont baissées. Au volant de ma Peugeot, j'attends. Le train arrive, il s'appelle "l'Arbogne" et va à Yverdon. Qui peut bien prendre le train en ce samedi brumeux? Est-il toujours aussi malfamé le week-end? Il fut une époque où je le prenais quotidiennement pour me rendre au collège puis à l'uni. C'étaient de longs trajets dans la nuit, tôt le matin, avec un wagon fumeur, ou plutôt un train fumeur, rouge, des sièges usés, parfois des couchettes et beaucoup de bruit après Grolley. Le train de 7h ou 6h38 était bondé. On dormait ou on révisait, mais on ne devisait pas encore. Au retour, parfois il faisait déjà nuit, on interprétait les cours, les profs, les rêves en regardant par la fenêtre. Ou parfois, on se taisait, pensifs. Fatigués après une journée d'étude, on descendait à Estavayer et on enfourchait notre boguet pour retourner dans nos campagnes. Les matins étaient roses et les soirs orangés. On se gelait les mains mais on se sentait li

Vendredi 16h.

 Vendredi 16h. Une tartine en attendant l’apéro. Un livre en poireautant. L’occasion d’avoir « un moment pour soi » tant à la mode pour les mamans. Un moment pour soi? De tout temps, les mamans n’en ont eu; alors pourquoi maintenant? Oh, pour de sentir moderne, estimée et redevable. A qui? A une société qui a décidé que maman doit se reposer pour être une bonne mère . C’est pas faux. Mais y arrive-t-elle seulement? Ne vous méprenez pas. Une maman qui se repose est une maman qui s’ennuie! Je tourne en rond. Qu’aurait fait un homme de 45 minutes pour lui? Il aurait rallongé la trêve ou aurait fait une sieste. Je suis la maman qui attend et qui n’arrive pas ouvrir son bouquin tellement elle est impatiente de revoir ses petits.

Le sursis

 « C’est un gène qui pourrait se porter sur des organes. » « Ah. » « Il faudrait voir un généticien. » « Pourquoi? » « Pour qu’il évalue les risques d’attraper un autre cancer . Et pour savoir si vos enfants sont concernés.» « Et si je connais la probabilité, ça m’avance à quoi? » « Rien. » On ne peut ni prévoir sa mort, ni la venue d’un cancer. Hier l’insouciance, demain la suspicion. L’angoisse vous prend à la gorge et vous vivez en apnée entre chaque analyse. On veut bien être au courant et faire ce qu’il faut, mais de là à connaître les risques...moins. Pourquoi chercher l’évidence pour  la modique somme de 1200 francs, alors que tout est déjà limpide? C’est le cancer qui vous pend au bout du nez. Alors joyeux, comme si c’était un répit avant la grande épreuve, jouis de la vie et cueille le jour.

Quoi écrire?

 Ce soir, j'ai écrit pour un concours. Je ne peux pas mettre le texte sur mon blog car il ne faut pas qu'il soit publié avant le verdict. J'ai une indicible envie d'écrire et ... ça ne vient pas. Quoi écrire? Le Covid ça ennuie tout le monde et tout le monde s'ennuie avec le Covid. Le bonheur en famille? Du déjà vu. Reprendre mon roman? Trop ambitieux. Et tiens, pourquoi pas un petit hommage. L'adieu à un être qui s'en est allé samedi ou ce matin. Ce père bénédictin qui priait pour les soeurs du monastère et les jardins familiaux en contre-bas de sa fenêtre. Il était malade, son âge le portait du bout des doigts. C'était un ami de mes grands-parents qui était invité à toutes les fêtes de famille, les grandes occasions. Alors, on le plaçait vers mon papa, l'instituteur, pour qu'ils puissent parler de choses. Quel ne fut pas mon étonnement de le voir aussi babiller avec mon fils de 4 ans lors d'un anniversaire! Ainsi, Père B. était à l'aise

Obsession

 Obsession qui taraude pour prendre tout ton esprit et trouver tout insupportable même en patientant . Une obsession vieille de vingt ans qui revient de temps en temps. Aucune emprise, juste subir. Et cette attente de l’autre obsession qui ne veut pas percer mais qui se languit tous les jours. Demain je les étrangle et j’arrête de me morfondre.

Le petit crabe.

Il est minuscule mais il avance rapidement. Tu ne le vois pas, il se cache; et un jour, il te pince parce que tu l’as décelé en lui marchant dessus. Après cela, il te fait croire des contes dramatiques qui te font pleurer de peur et d’abandon. Enfin il meurt, en laissant une longue trace sur ton dos, fossile d’un patrimoine à dompter. Il y en aura d’autres. Il faudra être attentif et les repérer avant qu’ils ne s’enfoncent sous ta peau.

Derrière le masque

 C’est chaud, humide; ça coule sur la lèvre, le long du menton; ça chatouille et ça gratouille. Il nous empêche de respirer...la liberté, nous fait mal à la tête en fin de journée. On le déteste et il nous colle à la peau. Il nous musèle et nous aseptise, il ne nous quitte plus, tel le heaume du guerrier sur le champ de bataille. Une bataille contre des moulins à vents avec une armure lourde et inutile. Parce que l’ennemi attaque quand même malgré l’attirail, parce qu’il a gagné en nous privant de la vie. Alors je me cache derrière mon masque, je cache ma tristesse, mon découragement et mon désarroi. Et pourtant je devrais sourire en cachette car demain sera pire, comme à chaque vague.