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Affichage des articles du mars, 2020

Exercice pour mes élèves, en lien avec « Le dernier jour d’un condamné « .

Exercice d’écriture : DJC 26 mars 2020 Lise Michel Quoi écrire ? Avant, on avait notre routine, un train-train quotidien effréné qui ne laissait pas beaucoup de place à l’imprévu ni aux loisirs. On allait travailler tous les matins, en transport public occasionnellement, à vélo au printemps. On saluait les voisins et les collègues tout en pensant au lendemain. La vie était rythmée et toujours au cœur de l’émotion. Et puis, les élèves nous teintaient de cheveux gris à force de bêtises et de mauvaise volonté. Ils nous poussaient à bout juste par provocation, pour tester notre résistance. Rien de personnel, juste un jeu mesquin. Pourtant, ils offraient aussi, parfois, l’espace d’un espoir pour l’humanité : une sensibilité, une soif de justice et de curiosité qui donnaient la foi en l’homme. Ils étaient bruyants mais attachants. En rentrant à la maison, je retrouvais ma petite famille et c’était une fête, tout fatigués mais pleinement heureux. Aujourd’hui, la plupart des gens tournen

Enquête en famille

Un jour, elle prend son stylo, son papier et son appareil photo. Comme convenu par téléphone, elle va interroger grand-maman et grand-papa. Bien décidée à élucider quelque secret de famille, la novice se rend au domicile des grands-parents. On est dans la cuisine, devant une tasse de thé fumant et une belle tarte aux pommes. (On dit « gâteau » chez nous, « tarte » c’était le mot utilisé par l’arrière-grand-mère édentée et française .) Les enfants sont là, ils jouent par terre en se chamaillant. Il faudra sortir les feuilles de couleurs et les crayons pour les occuper. La tante et l’oncle sont présents aussi, qui écoutent, tout prêts au commentaire. Et puis grand-papa descend à la cave, en quête d’archives. Il rapporte des photos et des copies de documents officiels. Y a du vécu: une autorisation de travail pour la Suisse. Alors c’est pas facile de remuer le passé. Il faut des gants et une intimité que l’endroit ne permet pas. Trop d’oreilles. Trop d’indiscrétions. Alors elle finit ave

L'oeuf en chocolat

J'ai mangé un petit oeuf en chocolat. Mon mari en a acheté un paquet que j'ai vite caché dans le buffet, loin des yeux des enfants. Quelle serait leur déception d'apprendre que ce n'est pas le lapin qui cache les oeufs à Pâques! Ce qu'il y a de bien dans cette tradition, c'est que chaque année les motifs du papier d'emballage de ces oeufs sont les mêmes. Ainsi, on ne perd pas nos repères: orange et bleu, c'est au mocca, bleu, au chocolat noir, vert et or, aux noisettes etc... Merci au géant orange de ne pas avoir bousculé nos habitudes cette année! Elles sont déjà tellement bouleversées! Ainsi, on prendra un petit oeuf pour le moral et le rituel. N'est-ce pas là l'essentiel?

Le printemps en suspens, pour PAJU

Mars, avril 2020. Le printemps aurait dû succéder à un hiver inexistant. Il a fait trop chaud, on a pointé le climat du doigt. Il fait froid, on pointe le virus du doigt. Dans un monde idéal, le printemps aurait montré son nez, percé la neige et doré nos fins de journée. Au lieu de cela, c’est l’hiver qui est venu, avec trois mois de retard, pour prolonger l’attente et tuer les bourgeons naissants. Le printemps c’est les cerisiers et les pêchers de vigne en fleurs, les crocus et les jonquilles, le gazouillis des jeunes oiseaux et le roucoulement des tourterelles. Le printemps c’est la vigne qui pleure et son vigneron aussi, car le gel vient tout pétrifier : nos routines, nos habitudes, nos étreintes et nos baisers. Printemps, nous reviendras-tu?

Le confinement du bonheur

Après tout, n’est-ce pas le summum du bonheur que d’être tous les quatre réunis ? Nous sommes donc forcés au bonheur ? Eh bien, oui, il semblerait. Qui s’en plaindra? Une aubaine ce confinement! Le plénitude obligée, la banane au quotidien. Des enfants qui rient, qui sont inventifs, qui courent après une brouette. Un mari occupé mais bien là pour faire les courses, les repas ou l’école aux bambins. On peut se plaindre d’une routine qui s’installe, mais pas de celle-ci : celle du sens même de la vie.

Premier jour du printemps

Tout devrait s’agiter et pourtant tout est las. Le monde est en suspension, il retient son souffle en attendant. En attendant quoi ? Des nouvelles, un changement, la fin de ce cauchemar. On ne projette rien sinon le repas du soir, on se nourrit d’espoir et de petits plaisirs. Ose-t-on sortir ? Ose-t-on aller en course ? Ose-t-on promener ses enfants ? Ose-t-on saluer la voisine ? La distance sociale qu’avaient instaurée les écrans s’accentue avec ce fichu virus. La technologie règne, maîtresse du monde. On aimerait prendre un livre et s’arrêter. Mais on ne peut pas. Sollicités de part et d’autre, seul le TJ nous cloue sur un canapé. Et puis on agit, par lassitude et par survie. On fait perdurer les rituels, persuadés que notre humanité en dépend. Et finalement, on prie, pour tous ceux qui sont gravement touchés, pour qui les rituels ont cessé.

Dernier jour d’hiver

Les virus n’ont qu’à bien se tenir: le printemps arrive! Les bourgeons gonflés, les brins d’herbe pointés vers le ciel, les premières fleurs épanouies, le chant des oiseaux ont pris la place des corbeaux de mauvais augure, la boue et le froid. Les vergers sont en fleurs et la vie reprend, partout. A nous les spritz à la fenêtre, les semis dans les coquilles d’œuf et les grillades au balcon! Encore une saison et nous pourrons reprendre nos libertés pour mieux profiter des doux rayons au son d’une brise légère qui balayera ce cauchemar d’un souffle rancunier. L’espoir doit couronner l’âme humaine.

Des larmes sèches

Pleurer? Je n’y parviens pas. Pourtant il y a de quoi. Les chagrins de mes enfants privés d’école me brisent le cœur, ma grand-maman qui devient folle à la maison, mon frère en quarantaine, ma belle-sœur touchée par le virus... Trois jours de confinement et l’esprit tourne en rond. Alors ce soir, on a dansé pour oublier l’espace d’un pas, d’un rock, d’un tango. On s’habituera: à la catastrophe sanitaire, à l’angoisse quotidienne, au sinistre tj, à la morosité ambiante, à la solitude, à un nouveau siècle.

La Muse en cavale

Coupé du monde, difficile d'avoir de l'inspiration. La Muse s'en est allée, par crainte du coronavirus. Alors je cherche, cherche, et ne trouve rien d'autre que cette situation surréaliste qui nous maintient à la maison avec pour seule distraction de faire l'école à nos petits. Tatjana Erard nous proposait un exercice d'écriture il y a quelques jours. Peut-être faut-il l'écrire ici, machinalement, puisque rien ne vient. Une liste de 10 raisons de vivre...oui mais en tant de pandémie ça donne quoi? Essayons. - boire un verre de vin, si possible du Bolgheri... - jardiner, avec ses enfants - écouter les rires de Cécile et Emilien - appeler grand-maman - appeler la famille - boire un café sur les marches derrière la maison - reprendre les nocturnes de Chopin - déguster un lemon soda au soleil - faire des nettoyages de printemps? non. - espérer La Muse sera déçue.

Confinement

« Tu as le coronavirus! J’appelle la rescousse! » « La rescousse? ...oui, d’accord. » On invente des jeux d’actualité, on reproduit un horaire scolaire à la maison. Les enfants,  inventifs,  trouvent des occupations mieux que les adultes. Une maison en carton, avec une cheminée et un arbre, une leçon de musique pour la petite sœur, récréation à 10h, yoga à 17h. Tout le monde s’y retrouve même si la lumière de ces petits êtres sans école ne parvient pas à nous faire oublier la sinistre réalité. Il erre, invisible et sournois. Il nous fait perdre notre sang froid et notre jugement. Il secoue le pays par vagues. Il nous fait décider l’état d’urgence. L’armée est mobilisée. La guerre sanitaire est lancée. La bombe à retardement ne saurait exploser tôt ou tard. Le coronavirus ne s’arrête jamais malgré la fermeture des frontières.

Angélus

Les stores du salon se ferment sur cette première journée particulière. Les gens sont sortis pour prendre les premiers rayons du soleil qui seront peut-être les derniers vu le renforcement des mesures anti-virus. L’angélus sonne, ce n’est pas pour la messe, qui se fait à huis clos. Les gens restent seuls face à leur angoisse, leurs questions et leur instinct. Demain, ils reprendront d’assaut les magasins d’alimentation car ils ont faim de certitudes et de réconfort. On meurt du covid-19 mais on en guérit aussi. Cette nouvelle peste osera-t-elle annihiler l’humanité ?

La mesure

La mesure a été prise: fermeture des écoles et interdiction de se réunir à plus de cinquante. La mesure, c'est certainement ce qui manque à la population prise par son instinct de survie et qui dévalise les magasins pour faire des réserves. On se prépare à l'hibernation à l'orée du printemps. Pourtant, ce dernier devrait nous aider. Attendons, cloîtrés chez nous, jusqu'à ce que le pic passe. Le temps est suspendu.

Hier, en l'attendant

Il est à nos portes. On le ressent, on le présent. Demain, nous serons sûrement confinés à la maison. On attend la nouvelle du gouvernement pour 13h30. Dehors, tout fonctionne avec méfiance. On se regarde du coin de l'oeil, on respire à peine. On va tout fermer et assister à l'agonie de l'humanité derrière nos écrans. C'est une tragédie, la revanche de la Nature sur l'ubris de l'homme. L'homme, ce coupable, qui croit tout maîtriser, se culpabilise et succombe.

Et puis il y a la colère

Tapie depuis des mois derrière ce fameux foie surchargé, un bel après-midi sans crier gare, elle surgit et insulte, renverse une table et claque la porte. Elle repart, par la porte peut-être où les fenêtres ouvertes. Elle reviendra c’est sûr, si on ne la prend pas au sérieux. Alors elle laisse un vide et des envies de pleurer. Elle était là, on n’a pas voulu l’entendre. Pour pas déranger. Pour pas faire de remous. Pour paraître au-dessus de ça. Et puis, il n’y avait personne. Il n’y a jamais personne le jeudi après-midi. Alors on se débrouille. L’implosion c’est son truc. Elle éclate quand il faut pas. Au cours de fitboxe ce serait quand même mieux. Au moins il y aurait les gants.

Corona

Ou la mise en bière... Le mutant berne la mondialisation au point de lancer une révolution pour l'humanité: serait-ce la fin du capitalisme? Les autorités annulent tout, les médias entretiennent la paranoïa, les gens sont pris de panique et font des réserves. C'est la guerre à un système en implosion, le tout-connecté, le règne du Dow Jones, le capitalisme à outrance, la montée en flèche du nationalisme. On s'enferme chez soi sous couvert de virus alors que c'est la peur de l'autre qui devrait être invoquée si l'on voulait être sincère. L'autre, on le regarde de travers parce qu'il a toussé ou qu'il a les yeux bridés, l'autre on le laisse en mer parce que personne ne veut le sauver, l'autre on le met en marge de la société. Un système grabataire qui ne demande qu'à être sauvé de la gangrène. La vague verte a fait du chemin, le tout-connecté a bonne conscience. Mais l'homme a peur. Il se met en quarantaine. En marge d'un système de