Une frimousse au mâchicoulis.


Avez-vous des mots fétiches ? Un adjectif qui sonne joli, un nom plein de nostalgie, un verbe que vous chérissez ou un adverbe solennel ? 

Moi j’en ai deux et ils sont là totalement par hasard. Aucune mélancolie, aucune histoire farfelue, aucun présage funeste ne se cache derrière eux. C’est pour leur sonorité que je les aime. Leur petit côté inutile mais si plaisant. Ils n’ont rien de commun entre eux. Ils sont presque drôles par leur futilité. Il s’agit de : frimousse et mâchicoulis. (Si j’avais eu le choix, je n’aurais pas mis l’accent circonflexe sur le a car il atténue la prestance du mot. Ça le rend vulgaire. Quoiqu’il le soit déjà passablement.) 

Un mâchicoulis, ça évoque quelque chose en vous ? Des souvenirs de châteaux forts et d’eau bouillante jetée sur l’ennemi ? Pourtant, si on ne le connaît pas, c’est doux, c’est sucré, c’est gouleyant ! Rien de guerrier ni de cruel ! On penche plutôt vers le coulis de framboise sur une boule de glace vanille.

Et que dire de frimousse ? C’est si charmant ! Drôle, doux, léger, rieur. Le mot s’applique à n’importe quel visage avenant, rond et poupin. C’est une cascade de rires qui découvrent des dents de lait. La frimousse, ça vous donne l’air heureux.

Qu’ont-ils donc de commun ces deux mots sinon qu’ils semblent liés à un champ lexical de l’insouciance béate ? En vérité, si l’un signifie littéralement qu’on va vous tordre le cou (« mâcher le col » ou plus précisément « écraser le cou ») ; l’autre a une étymologie psoeudo-grecque plus obscure qui ne s’est cependant jamais départie de son côté enfantin et charmant. Je crois pouvoir dire qu’il est difficile de les associer. 

Quotidiennement, frimousse revient à mes lèvres pour désigner la toilette du matin et du soir de mes enfants. On pourrait aussi choisir mouset pour faire plus local. ( Le substantif n’étant pas connu de l’Académie française mais admis par l’université de Boillon).  

Plus rarement, j’entends le mot mâchicoulis sortir de ma bouche. Il me plaît toujours à le dire et à l’entendre lorsque le Moyen Age envahit les jeux de mes enfants. Ça les fait rire ;  puis, un peu moins quand je leur explique le sens du mot issu de l’architecture militaire médiévale. Finalement, le mâchicoulis n’a rien de joli sinon sa sonorité.

Essayez de les mettre ensemble et vous aurez de drôles d’images qui vous viendront : celle d’un visage innocent à l’orée d’un mâchicoulis pour lorgner l’ennemi en train d’assaillir le château fort. Celle d’une frimousse tordue par la douleur à cause de l’eau bouillante. Je m’arrête là, car ces doux noms commencent à tourner au vinaigre et les âmes sensibles pourraient s’offusquer. 

Aussi, si vous aviez pensé passer votre frimousse à l’orée d’un mâchicoulis, attention aux sonorités mensongères ! C’est votre frimousse qui risque d’être malmenée.

 

  

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