Articles

Un goût de vacances

Le fritto misto. On n'en mange que l'été, à la mer, en Italie. Vous avez attendu ce moment depuis une année, c'est prévu, vous salivez à chaque évocation de ce plat savoureux. La friture sera fraîche et raffinée, légère comme nulle part ailleurs. Il y aura les petits poissons que l'on déguste entiers, les yeux fermés, les mini-poulpes, les crevettes, les calamars. Des fruits de mer enrobés d'une fine pâte à frire qui craque sous la dent. Des sourires jusqu'aux oreilles, des yeux pétillants de gourmandise, on croquera le petit poulpe croustillant et ce goût d'autrefois, celui des vacances à l'Adriatique, imprégnera votre palais, vos joues, votre souvenir. Quarante ans que vous vous délectez du fritto misto de l'Albergo Basilea. Non seulement ça rassure, mais c'est surtout ce plaisir de satisfaire l'attente d'une année de salivation et de désir. C'est ce soir, la friture de la mer est dans votre assiette. Il faut imprimer ce goût dans

Cosmognie...

La Planète bleue était unique, isolée dans une galaxie oubliée. Sa couleur reflétait l'air qu'on y respirait et l'eau qui y régnait. Il y avait eu le flou des origines, les masses informes grouillant de vie. La Terre avait bougé, s'était déformée pour faire apparaître les continents, les déserts, les montagnes. Alors les animaux étaient sortis de l'eau, avaient développé des poumons, ils respiraient. Sur ces terres, poussaient des végétaux prenant racines au coeur de la planète pour s'élancer vers l'infini. Ils étaient le lien entre la source et l'éternité, ils détenaient le secret de la vie.  Une espèce particulière avait aussi vu le jour : l'homme, celui qui savait... mais que savait-il? Qu'avec l'eau, on pouvait faire pousser des végétaux? Que le feu pourrait le sauver ou le détruire? Que l'air était indispensable? Que sans la terre, on ne faisait rien? Que lui-même n'était rien sans ces éléments? L'homme était un pion, un mail

Monter sur scène

Demain, ils s’apprêteront face à leur miroir, enduiront leur visage de ce fard qui rend leur personnage accueillant pour le premier jour. Ce soir, leur costume est prêt, repassé, étudié. Les pneus du vélo sont gonflés, la serviette bien ficelée. Demain, ils entrent en scène. C’est chaque année une première, c’est chaque année différent, c’est toujours flippant. Ils le font, car c’est le rôle de leur vie. Ce soir, ils dorment. Leurs serviettes sont prêtes dans l’entrée, les habits pliés sur le bureau. Ils rêvent de leurs vacances et sont excités de retrouver les copains. Demain, sans fard, ils entrent en scène heureux et un peu anxieux peut-être. Demain, ils prennent leur rôle dans la société. C’est la rentrée scolaire. 

Manifeste!

Théâtre du Châtelet, vendredi soir, du beau monde, des jeunes, des curieux. Un projet de l'IRCAM, l'ouverture du festival de la création musicale... On se dit pourquoi pas, il y a quand même la philharmonie de Paris qui joue. Le directeur du festival prend la parole :  "Vive Manifeste, vive la musique, sur la ville et sur le monde!"  On est d'accord.  Trois ensembles musicaux sur scène, trois chefs en oreillette, un écran. Des bruits en écho, quelques accords, des fins de séquence de la télévision d'Allemagne repassées dix fois. Le concert ne semble avoir jamais commencé. Le public ne sait pas quand applaudir ; ni début, ni fin... L'auditeur n'attend qu'une chose : que cela finisse tant cette dysharmonie le dérange.  Le musique contemporaine n'existe pas pour faire plaisir ou adoucir les moeurs. Elle ne fait pas pleurer sinon d'incompréhension. Elle est là pour faire réfléchir, remettre en question des certitudes. Alors on se dit que c'

Le postier et la junkie

Il jette les paquets du self-retour dans sa camionnette jaune. C’est saoulant le « self-tout », on finit tout seul face à des paquets biscornus insatisfaisants et muets. Il en a marre de la solitude au cœur de la ville à ouvrir des armoires anonymes le long du mur de la Poste. Il transpire, il est rougeot , c’est fatigant.  Quand il a fini son travail insensé, l’employé de la Poste se retourne pour prendre le volant de son véhicule. Il la regarde mi-inquiet, mi-attendri . Elle fout quoi cette jeune à regarder dans le vide au bout de sa clope? Elle a l’air perdue, triste, désabusée. Faut quand même lui dire quelque chose, qu’il l’a vue même si les autres la frôlent sans faire attention. - ça n’a pas l’air d’aller Madame. - Non non, ça va. Je vous assure. J’attends juste un ami. - Vous êtes sûre? - Oui oui. - D’accord alors bonne journée! Il s’en va au volant de son fourgon jaune. Elle repart titubant au bras de l’ami qui lui tend ce qu’elle avait demandé.