Atelier d'été I: La tache.

Une tache sur la table. Noire, usée, imprécise. De loin, on pourrait la prendre pour de la saleté. De près, on s'aperçoit que c'est un coup de pinceau énervé pour cacher une chose imprévue. 

Il y a une semaine, la patronne a découvert que la vieille table de la terrasse annexe avait une tache sur le formica. Elle s'est demandé qui avait osé abîmer son mobilier. Alors, elle s'est souvenue: après une soirée au rosé sur le voilier "le coup d'éclat", les hommes étaient venus s'asseoir à la terrasse annexe. Ils avaient commandé des whiskys et sorti des cigares. Ils parlaient fort pour montrer leur pouvoir et leur virilité. Ils n'étaient pas d'ici, mais avaient l'habitude d'y passer quelques soirées d'été sur le voilier du copain, gros entrepreneur  à la capitale.

A 23h, le bistrot fermait. Les "toqués de la patte" n'avaient pas bougé. La jeune serveuse n'avait pas osé les renvoyer. Elle avait fermé boutique et s'était extirpée sur la pointe des pieds. Les hommes avaient continué à rire grassement, à boire goulûment et à fumer leurs gros cigares cubains. 

Vers minuit, Gaspard s'était rendu compte que son cigare avait brûlé le formica, formant un cercle fondu sur la surface de la table. Même s'ils étaient grossiers, ces hommes avaient une éthique et ils n'auraient pas supporté qu'on les taxe de vandales. Alors ils étaient partis chercher de la peinture pour le bronze sur le voilier et avaient tenté de cacher la tache à coups de pinceaux, ivres. Ce n'était pas mieux, mais cela calmait leur culpabilité.

La patronne marmonne. Elle ne remplacera pas la table. Ces navigateurs du dimanche n'ont aucun respect! Ce sont de grossiers personnages qui n'assument rien. Vivement l'hiver, qu'ils laissent les tables tranquilles!


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