L'instit.

Il ouvre la porte avant que les élèves ne soient là. La classe sent encore la craie de la veille. Il ouvre les stores, les fenêtres. L'air doit être sain quand ils arriveront. Le maître prépare quelques fiches, contrôle que sa guitare est dans son coffre, les pots de peintures sont pleins, les pinceaux nettoyés, le rétroprojecteur dans son armoire. 

Les élèves arrivent, quelques cris, des rires, des bousculades. "Bonjour Monsieur!". Chacun prend place. L'instit. chevauche sa chaise à roulettes telle une moto pétaradante. Quelques questions, plaisanteries, culture générale, corrections, activités de groupes, récréation, bricolage.

L'instit. est un idéaliste: il croit qu'en créant des montgolfières en papier de soie, on comprendra que l'air chaud monte et que les idées prennent de la hauteur. Des heures de patience et d'application. Des questions naïves, des colères avec de la colle au bout des doigts. 

"Ce sera aujourd'hui le lancement des montgolfières?" "Non, il y a trop de vent. Il faut un temps idéal." Puis le jour tant attendu vient, on lancera les bricolages colorés et fragiles dans la matinée.  

Les montgolfières prennent de la hauteur à 10h. L'une à l'horizontal, l'autre sur le toit, une autre s'en va vers le lac, une autre prend feu dans la haie. Certaines iront loin, d'autre s'enflammeront juste à côté. Mais tous les élèves auront construit leur rêve d'un instant, même s'ils doivent partir en fumée au premier courant.

Je n'ai jamais appelé l'instit. en levant la main. Je ne savais pas comment faire. On n'appelle pas "Monsieur" son papa, ni "Papa" son maître d'école. J'ai juste levé la main et attendu, j'ai juste collé les bandes de papier de soie roses et violettes, mais j'ai tout appris comme les autres: il faut être curieux, patient, persévérant, tout donner et ne pas bannir nos rêves.

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