Un déjeuner sur l'herbe.

Elle leur a donné rendez-vous dans cette auberge idyllique de leur jeunesse. En tant qu’autochtones, celles d’ici l’avaient oubliée. Elle non. C’était resté le lieu féérique de ses années en Suisse. 

Le même mobilier romantique en fer forgé, la même vue, le pont en plus au loin, les mêmes haies alignées, les mêmes hortensias blancs « boules de neige », le même tilleul en guise de parasol, la véranda mythique, ouverte pour l’été. Les copines d’alors se sont installées sur la terrasse. Elles ont pris des photos comme à l’époque ; elles les posteront sur les réseaux sociaux. Des années qu’elles ne s’étaient pas revues. 

Elles sont pimpantes, elles sont venues seules, elles sont libres pour un matin et un petit déjeuner d’hôtel bien mérité. Des dizaines d’années plus tôt, elles suivaient les cours à l’école secondaire, studieuses, travailleuses, sérieuses. Elles savaient que c’était le chemin à suivre. Elles étaient ensuite allées au collège, à la ville, puis leurs chemins s’étaient séparés pour l’université. Chacune avait suivi sa voie tant bien que mal. On avait fondé des familles idéales, oublié de rêver ; on était parti pour prendre l’air ou des idées ; peut-être même de la liberté. 

Désormais, elles se voyaient peu, c’est la vie qui veut cela pour les femmes. Quatre ans après l’annonce de son départ, rendez-vous avait été pris, elles n’avaient pas hésité. Et elles ne le regretteront jamais. Les trois amies à l’ombre du tilleul ont refait le monde comme si elles étaient encore ces collégiennes d’antan. Riches de leurs vies singulières, elles commencent à bien se débattre dans ce monde qu’on leur promettait. Elles savent, elles font avec, elles mettent l’humain au centre et c’est bien cela qui les unit pour toujours. 

Le trio pense aux absentes. Celles qui sont restées avec leurs familles respectives parce que c’est souvent là qu’il faut être. Si elles avaient été elles aussi sous ce tilleul, on aurait ri encore plus, on se serait comprises, on se serait soutenues. Maintenant elles le savent : même si les chemins se sont séparés, leur amitié n’est pas fêlée. Même si les messages sont discrets, les appels très rares, elles doivent savoir qu’ici et là-bas, on pense à elles à tout jamais. 

 

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