Le corps qui danse , scène d'opéra.

 

Elles dansent. Des entrechats maladroits, blessés ; elles trébuchent, se relèvent, reprennent leurs petits sauts, les révérences, leurs chevilles ne tiennent pas. Ça tourne, ça virevolte tout en clopinant : une pirouette mal réceptionnée, une figure abrégée, une cadence brisée … La chorégraphie se déroule au pied du trône de l’envahisseur. Les robes claires des danseuses sont maculées de sang, leurs visages se cachent derrière des bandages grossiers. Des « gueules cassées » se dissimulant sous trois orifices béants par lesquels on regarde mais on ne ressent plus. Les ballerines imitent une danse macabre pour divertir un roi qui n’en est pas un. Le peuple opprimé regarde. Il se balance, d’un pied à l’autre, il prend le pas : comme un seul corps, les jambes s’agitent ensemble, les pieds battent le sol, le rythme s’empare des villageois, les regards demeurent vides, les épaules levées, les faces aphasiques. Les gens dansent sur les cendres de leur destinée comme pour piétiner le mauvais sort. Il faut rire du malheur et le faire sourire coûte que coûte, rien ne changera si ce n’est le mouvement de la danse… Les spectateurs regardent, ils croient à une farce, un frisson parcourt leur échine. Il faut parfois observer l’art pour comprendre sa propre condition. 

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