Les mûres ont un goût de mois d’août

Rondelettes, noires, un peu molles, elles sont prêtes à être dégustées. On les cueille au fond du jardin, le récipient accroché à la ceinture, la canne d’Emma dans la main gauche pour écarter les ronces sans se piquer. Leur saveur imprègne la bouche jusqu’à rendre le fond du palais pâteux; leur teinte est violette sur les dents et sur les doigts. La mûre a un goût si condensé qu’elle ne peut pas être qu’une simple baie de fin d’été. Le petit fruit si rustique raconte beaucoup d’histoires. Il dit les fins d’après-midi au fond du jardin potager de grand-maman Odile, la confiture intense qui rappelle le mois d’août au cœur de l’hiver quand elle s’étale sur le pain un dimanche matin, le gâteau sans acidité mais trop de douceur, les fins de vacances, la nostalgie des prés aux herbes trop hautes, les mirabelles qui doivent être mûres elles aussi au verger. Prendre une mûre bien noire entre le doigts, estimer sa souplesse, l’écraser avec la langue contre le palais, juger du sucre dans le jus qui s’écoule le long des papilles, réentendre grand-maman, la revoir s’essuyer les mains à son tablier, son sourire si rassurant, toucher à cette éternité.

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