Le régional de la Broye.

Les barrières sont baissées. Au volant de ma Peugeot, j'attends. Le train arrive, il s'appelle "l'Arbogne" et va à Yverdon. Qui peut bien prendre le train en ce samedi brumeux? Est-il toujours aussi malfamé le week-end? Il fut une époque où je le prenais quotidiennement pour me rendre au collège puis à l'uni. C'étaient de longs trajets dans la nuit, tôt le matin, avec un wagon fumeur, ou plutôt un train fumeur, rouge, des sièges usés, parfois des couchettes et beaucoup de bruit après Grolley. Le train de 7h ou 6h38 était bondé. On dormait ou on révisait, mais on ne devisait pas encore. Au retour, parfois il faisait déjà nuit, on interprétait les cours, les profs, les rêves en regardant par la fenêtre. Ou parfois, on se taisait, pensifs. Fatigués après une journée d'étude, on descendait à Estavayer et on enfourchait notre boguet pour retourner dans nos campagnes. Les matins étaient roses et les soirs orangés. On se gelait les mains mais on se sentait libre sur notre destrier métallique. Le week-end, on s'hasardait à prendre le train en soirée pour retourner avec le dernier, tenant un bouquin épais afin de tenter de repousser le nuisible. Le coeur palpitant, on descendait à destination, heureux d'avoir survécu au trajet en gardant sa dignité.

Aujourd'hui, les collégiens descendent à Payerne et ne connaissent pas la BCU. Plus tard, ils iront à l'uni à Lausanne, certainement plus attrayante, plus solaire et cosmopolite. Cet après-midi, j'étais de l'autre côté de la barrière, là où la vie est bien confortable, dans une voiture chauffée. J'étais heureuse de voir passer "mon train" de campagne. Nostalgique mais pas envieuse. Les années passent, la vie se fige dans un songe que l'on n'osait alors même pas imaginer. "L'Arbogne" sonne comme ce fameux piano que mes parents achetèrent dans ce hameau encaissé, il est passé et m'a plongée dans cette époque pleine de découvertes et d'incertitudes.

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