Vendre la cerisaie

20 janvier 2023, la Comédie française présente "La Cerisaie" de Tchekhov. Je ne connais pas, je prends le billet, peine à comprendre la pièce en la lisant dans le TGV. Trop de personnages. Je ne m'y retrouve pas.

Curieuse et pleine d'admiration, je franchis l'entrée de la Comédie française comme on entre dans un temple. Je prends place sur mon strapontin. Deux heures trente assise sur une fesse, je m'abreuve des paroles et des pensées. On comprend mieux les personnages lorsqu'ils sont joués, et d'une telle manière! Il n'y a pas d'entracte pour reprendre son souffle. On est pris par le drame, on connait la fin sans vraiment savoir. Alors on se laisse émouvoir.

C'est une fresque de l'histoire sociale d'une Russie aristocrate et décadente. C'est la fin d'un régime, d'une société, d'un système, le tombeau de valeurs pourtant mortes depuis longtemps. C'est la fin d'un siècle, c'est la fin des illusions que l'on remplace par d'autres. 

On rase la cerisaie comme on rase le passé. "La Russie, c'est notre cerisaie". La société, c'est notre patrimoine. 

"Il faut racheter son passé pour vivre le présent" dira Piotr. C'est par une soupe de ses propres racines que l'on peut avancer pour se construire dans ce monde.

Les personnages sont magnifiques, tellement fins, tellement vrais, les représentants d'un siècle à son tournant. Ils émeuvent car on connaît leurs limites et c'est là tout leur tragique. 

Et cette Cerisaie, décor et enjeu central. C'est ce passé idéalisé. Une enfance sublimée par les souvenirs. Ce verger se révèlent comme des valeurs inculquées par les veines; un passé qui se mêle à un patrimoine déchu. C'est une vision des choses idéalisée par les yeux d'un enfant. Cet enfant que nous sommes tous. Reste à savoir comment l'on peut le "racheter" ce passé... pour ne pas le brader au plus offrant.

Désormais je pourrai dire: " J'ai vu du Tchekhov" et c'était crucial.

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