La Pythie, la vraie.

J'entre dans le Palais Garnier. Trois ans que j'attendais ça. Il a fallu le bon jour, le bon horaire, le temps. On n'entre pas n'importe quand à l'Opéra Garnier. Le plus simple serait d'avoir un billet pour un ballet, mais ça aussi, c'est difficile à obtenir au bon moment. Comme tous les curieux, je visite le Palais Garnier en payant mon entrée pour voir uniquement le décorum du spectacle. 

Je viens la voir, elle. Elle est là, à l'entrée, c'est elle qui accueille tous les visiteurs. Elle est effrayée, elle est splendide! Tout le monde s'arrête pour la photographier. Marcello a réussi un coup de maître ... ou de maîtresse plutôt. La véritable Pythie est plus grande que je ne me l'étais imaginé; plus tourmentée aussi. Je pensais que c'était le coeur humain qui l'apeurait; mais aujourd'hui, c'est ce spectacle de la vanité qui se joue sous ses yeux. 

Le lieu est monumental comme une église plus que baroque. L'or, les mosaïques, les torsades, le marbre, le bronze, les lustres, rien n'est vide. Tout est décoré somptueusement, exagérément. Des miroirs partout amplifient l'effet étouffant de tout ce luxe qui tombe sur nos prunelles de visiteurs ébahis. Comment a-t-on pu imaginer un tel édifice ? On se croirait dans la galerie des glaces à Versailles... mais non, ce n'est que le foyer!  Malheureusement, la salle de spectacle ne nous est pas autorisée. Le plafond de Chagall (qui aurait peut-être contrasté avec le style rococo des couloirs) ne sera réservé qu'aux spectateurs de ballets. 

Mille jeunes femmes se sont apprêtées pour prendre "LA" photo sur les marches de l'escalier monumental. Elles ont revêtu leurs habits d'apparats pour visiter une opéra... Quelle est donc cette idée saugrenue? Ont-elles cru qu'elles devraient prendre un rôle sur scène? Mille personnes visitent bruyamment ce lieu mythique, les miroirs en renvoient dix mille. Tout est oppressant. C'est trop de gens, trop de bruit, trop de photos, trop de questions. 

Vient-on pour voir un art ou pour jouer un rôle, une demi-heure dans sa vie? Le rôle d'une instagrameuse qui veut se croire princesse dans un palais aujourd'hui ouvert à qui paie l'entrée, qui pourra revoir sa photo en souvenir, qui pourra pavaner encore un peu sur les réseaux. Il faut venir voir ce lieu fabuleux. Sa féérie souffre peut-être d'un nombre de visiteurs illimité. Ou est-ce l'effet miroir?  Il faut surtout comprendre ce qui s'y joue, le rôle du bâtiment, sa fonction, ce qu'est un opéra. Malheureusement, les opéras n'y sont plus donnés. Il faudra aller à Bastille pour cela...

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